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Interview : à la découverte de Fluorette, médecin généraliste et blogueuse

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Pour ce nouveau billet dans paroles de blogueurs c’est une blogueuse qui nous donne le plaisir de répondre à nos questions. Je vous propose de découvrir le Fluorette (son pseudo tweeter) qui tient un blog : « Promenade de santé : Histoires et réflexions de ma pratique de médecin généraliste, parce qu’on est bien seul dans ce métier ».

Entre le débat sur les dépassements d’honoraire, les déserts médicaux, et l’accès aux soins… Fluorette nous propose de découvrir sans langue de bois, son activité de médecin généraliste récemment installée.

  • Bonjour Fluorette, peux-tu te présenter en quelques mots ?

J’ai 30 ans, ou un peu plus, dans ma tête moins. Je suis médecin généraliste. J’ai fait toutes mes études à Rouen et puis j’ai migré vers l’Est. J’ai commencé le blog après ma migration.

  • Parles nous de ton activité médicale ?

Je me suis installée il y a bientôt un an dans une campagne qui n’est pas un désert, en association avec d’autres professionnels de santé. Je préfère cette médecine à celle de la ville. J’ai une activité plus variée, plus riche qu’en ville mais nous ne sommes finalement pas si loin d’un gros centre hospitalier, ça aide parfois. Par contre, la diversité culturelle que je rencontrais en changeant de remplacement régulièrement me manque un peu.

J’ai repris un cabinet déjà existant et ce n’était pas simple à gérer au début. Certains patients pensent que tu es trop jeune, ils préfèrent aller voir un « doc qui a de la bouteille ». Ceux qui sont restés ne sont pas choqués par mon vocabulaire de charretier. Et petit à petit, des nouveaux arrivent, des gens qui me correspondent plus, avec qui la discussion est plus facile. Ce qui me fait sourire ces derniers temps, c’est que j’ai de plus en plus de patients qui, comme moi, viennent d’ailleurs… Il parait qu’on crée des « patientèles à notre image ». Ça semble vrai !

Tu animes ton blog 1 depuis quelques années, en cultivant l’esprit du blog et du « journal intime ». Comment as-tu eu l’idée de te lancer ? et que t’apporte aujourd’hui ce moyen d’expression ?

Avant, je remplaçais souvent un couple chez qui j’avais été en stage. Chez eux, on s’asseyait près du feu avec un café et on discutait médecine, relations aux patients, j’exposais mes difficultés rencontrées dans ma pratique, ils m’ont beaucoup aidée à avancer. Le jeudi, j’allais manger des sushis avec un pote, on parlait médecine. Quand je suis partie, la solitude médicale a été difficile à vivre, les échanges m’ont manqué. En plus, les remplacements ne se passaient pas bien, on me reprochait de ne pas être d’ici. J‘avais beaucoup de choses que j’avais besoin de partager. D’où le blog. Je ne pensais pas que ce serait tant lu.

Au début, je crois que j’ai juste pensé que des docs pourraient me donner leurs avis, et moi sur le leur. Avec le temps, je m’aperçois que beaucoup de gens qui me lisent ne sont pas médecins. Mon blog a une part professionnelle et un côté très personnel. Je crois que le boulot est aussi important que le reste dans ma vie, j’essaie qu’il ne prenne pas trop de place. Je cherche un équilibre entre les deux, le blog m’aide là dessus.

« je vois mon médecin autrement, qu’il n’est pas que ça… »

Je reçois aussi des commentaires, des mails… qui me remercient de ce que j’écris, ça je dois dire que c’est surprenant. Une phrase qui est souvent revenue c’est « je vois mon médecin autrement, qu’il n’est pas que ça… ». C’est peut-être important justement. Les patients en demandent beaucoup parce qu’ils ne voient que le côté médecin, dévouement, présence au cabinet… Ils ne se rendent pas compte du temps passé en invisible en formation, en paperasses, en coups de fils, en négociations urssafiennes…
Aujourd’hui, le blog me permet toujours de parler des situations qui me touchent, me plaisent. De râler aussi sur mon installation…

  • Explique nous le choix de ton pseudo ? et que penses tu de l’anonymat des médecins sur internet ?

Hahaha, le pseudo… Je le déteste ! Il ne me correspond pas du tout. Il remonte à une époque où je cherchais un nom qui justement ne me correspondrait pas trop. Un peu compliqué à expliquer. Mais c’est difficile quand je rencontre quelqu’un et qu’on m’appelle comme ça…

Je pense que l’anonymat est nécessaire.
D’une part parce que parlant parfois de patients il faut garder le secret. Je fais très attention à ce que je raconte. Je modifie certains points. Et je ne choisis essentiellement des situations qui ne sont pas celles d’une seule personne. Actuellement une histoire de patients me travaille mais je ne l’écrirai pas, ou en tous cas je ne la publierai pas.
D’autre part, je ne veux pas qu’on vienne me voir en consultation parce qu’on m’aura lu. Je crois que mes écrits peuvent donner de moi une image qui ne reflète pas la réalité, c’est le biais du blog. En me lisant, on peut avoir une image idéalisée. Donc après, l’attente vis-à-vis d’une consultation avec moi serait trop importante. Or je suis comme tout le monde, certains jours je n’ai pas envie de bosser, parfois je suis fatiguée, et de toute façon la relation médecin-patient est une relation complexe, bien plus que juste « j’aime bien ce qu’elle écrit, j’aimerais qu’elle soit mon docteur ».

  • Tu es très présente sur Twitter 2 comment trouves tu le temps de lire ta TL ? et que t’apporte ce média ?

Honnêtement je ne lis pas tout! Impossible.
Je twitte avant de bosser, pendant mes pauses et le soir. Parfois entre deux patients, ça me permet de m’aérer l’esprit et d’être plus « reposée » pour le patient d’après même si je n’ai lu que quelques twitts. J’ai des périodes où je dors peu, twitter occupe mes insomnies.

J’ai du mal à faire la part des choses entre le blog et twitter. C’est très lié.
Les deux me permettent de rester en contact avec des gens, médecins ou non, qui font maintenant partie de ma vie, comme d’autres gens rencontrés d’abord en vrai.
Twitter permet une rapidité dans les échanges. C’est un soutien parfois quand ça ne va pas. C’est une aide pour certains avis médicaux. J’avoue que j’ai beaucoup de mal à m’en passer.

  • Cette semaine tu as écris une lettre ouverte à la Ministre de la santé Marisol Touraine : M comme…  3 Beaucoup de jeunes médecins ont pu se reconnaitre dans la situation que tu décris. Comment vois tu évoluer la médecins libérale en France ? et comment vois tu évoluer TA carrière ?

Actuellement l’humeur dans les rangs des médecins est plutôt morose. Il faut dire qu’en allumant sa radio, sa télé, en passant à la boulangerie, on se prend forcément une réflexion sur les médecins, ces nantis supposés. Au bout d’un moment, ça fatigue! Il est vrai que l’émission sur BFM m’a mise en colère, d’où mon billet.

M comme Médecin, M comme Ministre ou M comme Marisol ou plutôt M comme Mépris. J’hésite.

Choisis le titre, Marisol… Il est pour toi, ce post.

J’ai peur de l’évolution de la médecine en France. Je n’ai pas l’impression que les choses aillent dans le bon sens. Je me suis installée, j’ai engagé pas mal de sous dans cette histoire, au fond, je suis optimiste parce que c’est dans ma nature. Mais objectivement, quand je vois comment fonctionne mon cabinet et ceux des autres, ça me laisse songeuse. S

i tu essaies de faire des consultations intéressantes où tu fais de la prévention, tu fais moins de consultations, donc moins d’argent. Pourtant les charges sont les mêmes. Si tu veux ne faire que de la médecine, il faut payer une secrétaire. En France, c’est quand même aberrant qu’après 9 ans de médecine, tu passes tant de temps à faire des paperasseries, à ranger des feuilles!

Mon mari parle souvent en coût horaire. Calcule-t-on combien ça coûte de faire bosser un médecin sur des paperasses qu’il serait facile de faire par quelqu’un ayant moins d’études. Il n’y a pas forcément trop peu de médecins en France mais ils sont mal utilisés!
Rien n’est fait pour que ça change. Les négociations conventionnelles ont lieu entre des grands « représentants » qui ne représentent rien et ne sont pas en contact avec la médecine de terrain que nous pratiquons tous les jours.

La médecine à deux vitesses est en marche. On se tourne vers un système avec des pôles de santé financés par des mutuelles, des patients qui ne pourront aller que dans les centres de leur mutuelle, avec des médecins qui prescriront selon des protocoles, sans réflexion. Ceux qui n’ont pas d’argent ne pourront plus se soigner.
On oublie que la santé publique c’est important, que les grandes épidémies sont évitées par l’hygiène et la prévention permise par l’accès aux soins pour tous (bien que le système ne soit pas idéal).
J’essaie de me répéter « Tiens bon ! l’avenir peut être plus beau que ce qu’ils nous promettent! », phrase que quelqu’un m’a envoyée hier, mais j’ai de gros doutes.
Plusieurs médecins que j’estime sur le net parlent d’arrêter la médecine telle qu’ils la pratiquent, c’est assez décourageant.

  • Quelle image as tu d’un bon médecin généraliste ? S’en approcher est t’il possible dans les conditions d’exercice actuelles ?

Je pense qu’on a tous une idée différente de ce que doit être un bon généraliste. Mon idée du bon généraliste change régulièrement.

Un bon généraliste devrait avoir une bonne formation, des connaissances mises à jour régulièrement, un moral en béton armé, un sommeil de plomb, une écoute attentive, des prescriptions parfaites voire pas de prescription, des contacts pour des avis…

Je crois surtout que les bases d’un bon généraliste sont ce que nous n’avons pas pour l’instant : le généraliste ne devrait avoir que de la médecine à faire, pas de compta, pas de réclamation auprès de la CPAM 4 ni auprès de l’URSSAF  5 et pourrait donc avoir l’esprit uniquement dirigé vers de la médecine.

Un généraliste devrait pouvoir accueillir les gens sans regarder la pendule, pour leur accorder le temps nécessaire. Il devrait pouvoir ne prescrire que comme il le souhaite et pas parce que les gens exigent des prises de sang ou autre et que de toute façon ils vont voir le voisin quand tu ne le fais pas.
C’est difficile dans les conditions actuelles…

  • Si tu étais ministre de la santé, quelles seraient les 3 premières mesures que tu prendrais ? (le système de santé, la lutte contre les désert médicaux, l’accès aux soins, la formation, les conditions d’exercice…)

Je ne suis pas ministre de la santé. Heureusement. Il y a tellement à faire. Et pour côtoyer le monde politique de près, je sais combien il est difficile de changer les choses.

  • As-tu des liens internet à nous recommander (quelque soit le sujet) ?

Pas vraiment, je lis énormément de blogs, de sites d’informations mais la liste est trop longue!

Retrouvez Fluorette :
– sur son blog : fluorette.over-blog.com
– et sur twitter : @Fluorette


Notes:

  1. Le blog : fluorette.over-blog.com
  2. Le Twitter de Fluorette : @Fluorette 
  3. Lettre ouverte à la Ministre de la santé Marisol Touraine : M comme…
  4. CPAM = Caisse primaire d’assurance maladie = sécu
  5. URSSAF = Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales = Si vous ne connaissez pas, tant mieux pour vous !

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